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Los seguidores canadienses de la "secte Moon" | Radio-Canada ca


Le printemps s'éveille à Tokyo, où les fameux cerisiers sont en fleurs au moment de notre visite, en mars dernier. Mais tout n'est pas rose dans le paysage politique japonais.

Tout le monde savait que l’Église de l’unification était une secte assez étrange à cause de ses mariages de masse, mais on ne savait pas qu’elle avait développé des liens politiques depuis plusieurs années, nous explique Yoshifu Arita, par la voix d’un interprète, alors que trône derrière lui le parlement national japonais, un édifice tout de blanc aux multiples colonnes.

Yoshifu Arita tient un livre devant le monument national japonais.
Yoshifu Arita est journaliste et auteur d’un livre sur l'Église de l’unification. Jusqu’à tout récemment, il était aussi député de l'opposition à la Diète nationale, le parlement du Japon.Photo : Radio-Canada / Michel Aspirot

M. Arita est journaliste et auteur d’un livre sur l’Église de l’unification. Nous nous étions donné rendez-vous devant l’impressionnant bâtiment de la Diète nationale, où il a siégé comme membre de l’opposition jusqu’à récemment.

Cette Église a aussi ses entrées politiques au Canada, aux États-Unis et ailleurs dans le monde, indique M. Arita.

Il n’a pas tort. L’ancien premier ministre du Canada Stephen Harper est un habitué des rassemblements internationaux d’associations affiliées à l’Église. De plus, Radio-Canada a appris qu’une trentaine de politiciens canadiens ont participé ces dernières années aux activités locales de ce mouvement religieux qui est aussi établi au Canada.

La leader de ce regroupement international est la Coréenne Hak Ja Han Moon, âgée de 80 ans, qui se présente, entre autres, comme la fille unique de Dieu, l’incarnation du Saint-Esprit.

Sun Myung Moon et Hak Ja Han Moon saluent une foule de mariés.
Le «révérend» Sun Myung Moon, fondateur de l'Église de l'unification et sa femme saluent quelque 40 000 croyants et sympathisants lors d'une cérémonie de mariage au stade olympique de Séoul, en Corée du Sud, le 25 août 1992. Depuis la mort de son mari, Mme Moon poursuit la tradition des mariages de masse.Photo : Associated Press / AHN YOUNG-JOON

Au Japon, c’est l’assassinat de l'ancien premier ministre, en juillet dernier, qui a levé le voile sur les tentacules politiques de ce mouvement. Shinzo Abe est tombé sous les balles d'un homme dont la mère est membre de ce mouvement qui s’appelle officiellement la Fédération des familles pour la paix et l'unité mondiales, mieux connue sous son ancien nom d'Église de l'unification.

L'homme accusé d'avoir tué Shinzo Abe aurait vécu dans la pauvreté en raison des dons importants de sa mère à l’Église et aurait décidé de s’en prendre au politicien parce qu’il avait rendu hommage au mouvement dans des messages présentés à ses rassemblements.

Des médias francophones à l'échelle internationale parlent de la secte Moon pour désigner l'Église de l'unification. Mais en l'absence d'une définition juridique, certains groupes délaissent le terme secte.

C'est le cas d'Info-secte à Montréal qui ne l'utilise plus que dans son nom. Cela dit, des experts à qui nous avons parlé n'hésitent pas à qualifier ce mouvement de secte, en raison de ses pratiques.

C'est le cas notamment du professeur émérite Stephen Kent de l'Université de l'Alberta, qui a servi de témoin expert dans de nombreuses causes impliquant des groupes religieux.

Depuis la mort de Shinzo Abe, le parti au pouvoir au Japon a reconnu que près de la moitié de ses parlementaires avait des liens avec ce mouvement qui est montré du doigt par d’anciens membres. Selon une association d’avocats qui représentent des victimes de l'Église de l'unification, celles-ci ont perdu l’équivalent d’un milliard de dollars depuis la fin des années 1980. Des chiffres que réfute l’Église.

Selon Yoshifu Arita, des politiciens ont déjà été payés pour participer aux grands événements internationaux de ce mouvement. Celui-ci profiterait ensuite de la crédibilité que leur présence lui confère pour solliciter des dons et recruter des membres. Par ailleurs, certains de ces politiciens partagent les mêmes valeurs dites traditionnelles que celles véhiculées par l’Église de l’unification, pour qui un mariage n’est possible qu’entre un homme et une femme, ajoute M. Arita.

Stephen Harper décoré par Mme Moon

VIDEO: Les amis canadiens de la « secte Moon »
ICI Ontario

La présence régulière de Stephen Harper aux rassemblements internationaux de ce mouvement a été notée par certains experts à qui nous avons parlé. Depuis 2019, l’ancien premier ministre conservateur a pris la parole à au moins 11 événements d'associations affiliées à l’Église de l’unification, qui disent travailler pour la paix mondiale.

D'ailleurs, le mois suivant la mort de Shinzo Abe et la controverse politique qu’elle a déclenchée, M. Harper était de retour comme conférencier invité à un sommet convoqué par la Fédération de la paix universelle, associée au mouvement, et où un hommage a été rendu au défunt politicien.

Je tiens à féliciter la Fédération de la paix universelle de continuer à convoquer de telles conférences historiques, a-t-il affirmé devant des centaines de dirigeants politiques et religieux réunis à Séoul, en Corée du Sud, où le mouvement a vu le jour en 1954.

Dans la salle au plafond orné de lustres et aux murs tapissés d'écrans géants, M. Harper a remercié ses hôtes, en particulier Hak Ja Han Moon pour son leadership et sa vision constante.

Mme Moon dirige le mouvement religieux, qui est aussi un empire financier, depuis la mort du fondateur, son mari le révérend Sun Myung Moon, en 2012.

Les Moon se sont autoproclamés messies, envoyés directement par Dieu, pour terminer ce qu'ils considèrent comme l'œuvre inachevée de Jésus. C’est Jésus lui-même qui lui est apparu quand il avait 16 ans pour lui confier la mission d’établir la paix sur terre, a écrit le révérend Moon dans son autobiographie.

Dans ses sermons, il enseignait que Jésus, en demeurant célibataire et sans enfant, n’avait pu accomplir la volonté de Dieu. Les Moon se sont d’ailleurs donné les titres de vraie mère et de vrai père de l'humanité, dont la mission est de créer une seule famille centrée sur Dieu. L'Église de l'unification compterait environ 250 000 adeptes dans le monde, selon différentes sources.

Avec leurs décors de scène somptueux, les rencontres pour la paix organisées par ce mouvement prennent souvent des allures de grands galas où se succèdent allocutions politiques, références religieuses et prestations artistiques.

Une cérémonie commémorative pour le 10e anniversaire du décès de Sun Myung Moon.
Le «révérend» Sun Myung Moon est décédé en septembre 2012 et, chaque année, l’événement est marqué par une cérémonie commémorative, comme celle-ci pour le 10ième anniversaire en 2022.Photo : FFWPU

Lors d’une cérémonie, Mme Moon a personnellement décoré Stephen Harper d'une médaille d'honneur, en 2020, en reconnaissance de son travail important comme ancien chef de gouvernement.

Si M. Harper parle surtout des questions géopolitiques de l'heure dans ses discours, il revient souvent sur les efforts nécessaires pour réaliser la réunification pacifique des deux Corées. C'est un thème cher à Mme Moon, qui considère la péninsule coréenne, là où son défunt mari et elle sont nés, comme la véritable nation choisie par Dieu.

Cependant, c'est l’allocution de M. Harper sur l'importance de la liberté de religion, en 2022, qui a surtout frappé Jeffrey J. Hall, expert en politique japonaise à l'Université Kanda des études internationales, en banlieue de Tokyo. L’homme d’origine américaine nous a accueillis dans une salle de classe fraîchement désertée par les étudiants en cette fin de semestre au Japon.

« M. Harper parle des dangers de l’extrémisme antireligieux et de l’extrémisme religieux. Lorsque vous considérez le contexte de ces remarques et le groupe auquel elles sont adressées, ça semble un peu absurde, parce que l'Église de l'unification est considérée par la plupart des gens qui n’en font pas partie comme une organisation extrémiste. »

L’Église a créé de nombreuses associations qui ont des missions distinctes de ses activités religieuses, ont affirmé publiquement des dirigeants de l'Église.

Par exemple, la Fédération pour la paix universelle, l’hôte du sommet où M. Harper a prononcé ce discours, se présente comme un regroupement qui travaille à l’avancement de la paix mondiale en réunissant des leaders de nations et de religions diverses. Elle est fière d’être dotée du statut consultatif auprès du Conseil économique et social de l’ONU, tout comme la Fédération des femmes pour la paix mondiale, aussi associée à ce mouvement. Plus de 6000 organismes de tous les horizons ont ce statut.

Pour M. Hall, c’est de la poudre aux yeux. Selon lui, ces associations sont intimement liées à l'Église qu'il qualifie d'organisation intolérante.

D’anciens adeptes ont raconté dans les médias japonais qu’il leur était interdit de côtoyer des personnes de l’extérieur de l’Église, explique-t-il. Petits, ils n’avaient pas le droit de jouer avec les autres enfants à l’école, sous menace de brûler en enfer, et quand venait le temps de se marier, c'est l’Église qui choisissait leur partenaire. Donc l’idée que c’est une organisation vouée à la tolérance religieuse est un peu ridicule, dit-il.

Un homme debout dans un cadre de porte entre une classe et un corridor d'une école.
Jeffrey J. Hall, expert en politique japonaise à l'Université Kanda des études internationales, près de Tokyo, juge « un peu ridicule » que l’Église de l’unification se présente comme un organisme voué à la tolérance religieuse compte tenu des témoignages d’anciens adeptes.Photo : Radio-Canada / Michel Aspirot

L’Église de l’unification a répliqué lors d’une conférence de presse au Japon que les mariages se font de façon consensuelle et que les reportages récents à son sujet représentent une forme de persécution religieuse.

De son côté, M. Hall maintient que la présence de politiciens, comme Stephen Harper, à leurs activités peut être dommageable pour les membres. Leurs proches leur disent peut-être qu’ils doivent quitter l’Église, que c’est une secte. Mais si vous avez d’anciens présidents ou premiers ministres qui assistent aux événements de l’Église et qui font l’éloge de ses leaders comme une force pour la paix mondiale, ça va convaincre les membres qu’ils font partie d’une bonne organisation.

Tout comme le journaliste Yoshifu Arita, l’expert en politique soutient que certains politiciens ont déjà été payés pour leur participation. Par le passé, des présidents américains comme le président Bush, le président Reagan, ont reçu d’importantes sommes d’argent pour assister aux activités de l’Église de l’unification, dit M. Hall.

Les récompenses peuvent prendre d’autres formes, comme des voyages gratuits ou des prix qui viennent avec une somme d’argent, affirme-t-il. En effet, ces dernières années, des leaders politiques en Asie et en Afrique ont reçu des prix en argent de ce mouvement.

Pour les députés en poste, il y a aussi la possibilité d’aller chercher des votes ou de l’aide bénévole des adeptes de l’Église lors de campagnes électorales, selon lui.

Stephen Harper n’a pas voulu dire s’il avait reçu de l’argent ou d’autres bénéfices de ce mouvement. Il n’a pas répondu à nos demandes d’entrevue ni aux questions envoyées par courriel. Il en va de même pour Mme Moon et ses représentants canadiens, malgré nos demandes répétées.

Au Japon, les révélations de la proximité entre la secte Moon et la classe politique ont fait scandale. Des ministres ont dû démissionner et une nouvelle loi a été adoptée pour prévenir les dons indus aux organisations religieuses, comme l’Église de l’unification.

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Author: Andrea Rice

Last Updated: 1703180761

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